le Christ est mort pour nos péchés

Publié le par frère Jean-François Bour

réponse au commentaire no 2 , première rencontre
La question :
Au sujet de la mort de Christ : La mort de Jésus était prévue par les Ecritures et par les prophètes; cela devait se réaliser obligatoirement pour que le Christ puisse nous sauver du péché. C'était prédit : il fallait que le Christ meure pour nos péchés. Le Christ est mort pour nos péchés.Dieu l'a fait mourir pour nous. C'est nous qui sommes responsables de sa mort. Pouvez-vous réagir et donner votre point de vue sur ce sujet. A l'avance merci.
Soeur Solange Bray, modératrice d'une équipe de lecture de la Sainte Famille


La question que vous posez ici est fondamentale et n’a pas de réponse immédiate et rapide. Vous trouverez donc ci-dessous seulement quelques éléments de réponse d’abord exégétique puis ensuite plus théologique. Pour approfondir cette question, vous pourrez vous reporter aux différents ouvrages mentionnés ci-après.


Un point de vue exégétique


Avant toute chose, il faut bien garder à l’esprit que la mort du Christ a représenté pour la communauté primitive un véritable traumatisme. Cette croix, qui pour nous semble aujourd’hui si familière, a en effet constitué pour elle un non-sens absolu et un véritable scandale. Comment celui qui se présentait comme le Fils de Dieu a-t-il pu être cloué sur le bois de la croix comme un simple esclave ou encore comme un homme réprouvé par Dieu (Dt 21,22) ? Pour comprendre l’incompréhensible, les premiers chrétiens n’ont donc eu d’autres solutions que de se rappeler les paroles prononcées par Jésus de son vivant et de relire l’Écriture et les prophètes en particulier. Progressivement, ils sont alors arrivés à cette conclusion, reprise par Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures (1Co 15,3 - on peut retrouver des passages équivalents dans les Actes). Ces Écritures qui éclairent l’inexplicable, ce sont principalement les prophéties du Livre d’Isaïe et en particulier celle du serviteur souffrant (Is 57,3-8) qui est le seul endroit de la Bible où la mort d’un homme est mise en relation avec les péchés des autres pour en obtenir le pardon (1).

Pierre, dans sa reprise de ce quatrième chant du Serviteur (1P 2,22-23), lu avec en arrière plan Dt 21,22, peut nous aider ici à comprendre cette idée du martyre expiatoire que nous avons encore peine à accepter aujourd’hui. Puisque le Christ est mort sur la croix comme un pécheur, mais sans avoir péché lui-même, c’est nos péchés qu’il a pris sur lui, tout comme le serviteur de Yahvé. Et puisqu’il a pris sur lui nos péchés, nous en sommes libérés et nous pouvons désormais vivre pour la justice (2).



(1) Pierre Grelot, Les poèmes du Serviteur (Lectio Divina 103 ; Paris : Cerf, 1981), p. 141.

(2) Michel Gourgues, Le Crucifié, du scandale à l’exaltation (Jésus et Jésus-Christ 38 ; Montréal, Paris : Bellarmin, Desclée, 1988), p. 123-124.




Un point de vue théologique


L’affirmation que le Christ est mort pour nos péchés n’est absolument pas là pour nous culpabiliser, mais témoigne au contraire de l’infini amour dont Dieu nous entoure. Pour que le salut ne soit pas uniquement une œuvre unilatérale, Dieu a en effet voulu nous y associer pleinement. Or, ce qu’il nous est impossible de faire, puisque le péché a malheureusement toujours en nous le dernier mot (Je ne réalise pas le bien que je voudrais, mais je fais le mal que je ne voudrais pas... Rm 7,15), le Christ, vrai homme et vrai Dieu, l’a fait à notre place en nous représentant ou encore en se substituant à nous. L’affirmation que Jésus est mort pour nos péchés n’est donc compréhensible qu’avec en arrière plan cette double nature du Christ qui dans son humanité nous associe pleinement à ce qu’il accomplit sur la croix.


Si Dieu a ainsi voulu cette réparation pour sauver l’humanité, alors qu’elle n’était a priori pas nécessaire, c’est précisément pour que notre humanité soit pleinement partie prenante à son salut. Elle est donc bien la manifestation de l’amour de Dieu à notre égard.





Pour aller plus loin, trois ouvrages en particulier :



MOINGT Joseph, LEON-DUFOUR Xavier, VERGOTE Antoine (dir.), Mort pour nos péchés, Bruxelles , Publications des Facultés Universitaires de Saint-Louis, 1976 (en particulier la contribution de Joseph Moingt).

GALOT Jean, De la croix au triomphe de la vie, Paris, Parole et Silence, 2003.

GOURGUES Michel, Le Crucifié, du scandale à l’exaltation, Jésus et Jésus-Christ 38, Montréal, Paris, Bellarmin, Desclée, 1988.

Publié dans Textes de complément

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M
c'est plus une question qu'un commentaire. Une équipe de St Maurice a retenu que dans le prophète Joël , il est dit qu'avec Esprit tous les fils recevront l'Esprit et prophétiseront.On a posé la question de savoir si on utilise la définition du prophète : " celui qui parle au nom de Dieu " on peut l'appliquer à Jésus. Refus par certaines du groupe : Jean le Baptiste est le dernier prophète ,Jésus est le fils de Dieu. Il ne peut pas être prophète!!!ces divergences dans la manière de voir Jésus a soulevé des échanges assez passionnés. Que faut-il penser ? une des personnes avait d'abord défini le prophète comme celui qui dit à l'avance ce qui va se passer.
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C
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Traditionnellement l’Ecriture et l’Ancien Testament en hébreu emploie plusieurs mots pour désigner le<br /> prophète : « voyant » 11 fois, « visionnaire » 16 fois, « homme de Dieu » 76 fois. Mais c’est surtout Navi qui est utilisé (315 fois) : ce dernier terme<br /> peut s’appliquer aussi aux faux prophètes. Le Navi communique normalement la parole d’une divinité, ou d’une personne. Il peut opérer en groupe. De grands conflits semblent avoir existé entre les<br /> Navis. Les femmes peuvent être Navi. Dans certains courants, celui d’Isaïe ou de Michée, le terme Navi n’est pas apprécié car, plutôt que de prophétie, on préfère parler de<br /> « contemplation ».<br /> <br /> <br /> Le prophète dispense une connaissance ignorée du commun des mortels grâce à ce que Dieu lui communique. Mais la<br /> source principale de sa connaissance est la vie des hommes elles-mêmes. Le prophète met souvent le doigt sur un mal ou une injustice tout à fait connue de ses contemporains mais volontairement<br /> ignorée d’eux. Ils fait entendre et voir ce qui est volontairement ignoré. Il dénonce les manières erronées de suivre telle ou telle tradition religieuse. Ce ne sont ici que quelques repères,<br /> mais il est important de prendre conscience que le prophète n’est pas seulement celui qui « dit l’avenir ». Il est bien plus souvent celui qui « lit les signes des temps »<br /> sous l’inspiration de l’Esprit, avec une acuité sans pareille. Il est possible que plusieurs dimensions se conjuguent dans la vie d’un prophète : ascète, voyant, priant, méditant, fou de<br /> Dieu, érudit, guérisseur, mystique, annonciateur des choses à venir… Il n’est pas toujours facile de cerner ce que furent les prophètes de l’A.T. Mais la Bible pressent une proximité sans égale<br /> du prophète avec Dieu et une obéissance à Sa Parole qui dépasse le cadre des simples observances religieuses. Ainsi donc, l’époque de Jésus voyait dans une renaissance du prophétisme la<br /> réapparition tant attendue de cette proximité avec Dieu, et l’annonce des temps nouveaux. Si Jésus est plus qu’un prophète, il réalise cependant vraiment ce qui était attendu de la réapparition<br /> de la prophétie et, en ce sens, il est dépositaire, pour le Nouveau Testament, de la « perfection prophétique ».<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ainsi donc, le Nouveau Testament fait référence à Jésus Prophète, mais il faut toujours comprendre qu’il parle<br /> du Prophète eschatologique, c’est à dire que finalement Jésus est le seul sur lequel repose en plénitude l’esprit de prophétie. Prophète eschatologique : Derrière cette expression un peu<br /> barbare, il est question non pas simplement du prophète tel que l’entendait l’Ancien Testament, mais d’abord et avant tout de celui qui annonce le Salut d’une manière définitive, véridique et en<br /> Plénitude. Il donne par toute sa vie l’interprétation définitive de la Révélation en vue du Salut du monde, d’Israël et des Nations. Sa Croix elle-même atteste aux Juifs, selon le Nouveau<br /> Testament, qu’il est bien prophète : car l’issue d’une prédication prophétique fidèle ne peut être que fatale. Mais la Résurrection laisse voir combien Jésus est le porte parole agréé par<br /> Dieu, qu’Il est son Verbe même. On peut aller jusqu’à dire que pour les chrétiens, Jésus est le seul à être prophète d’une façon parfaite. En lui se réalise totalement l’action prophétique. Tout<br /> ceci étant dit, le christianisme ne comprend pas l’action et l’identité de Jésus principalement à partir de la notion de prophète, car il découvre que ce que fait et dit Jésus dépasse infiniment<br /> tout ce que les prophètes avant lui ou après lui ont fait et communiqué : « il y a ici plus que Jonas ».<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />