Conférence de G. BILLON du 19/01/2008

La Parole de Dieu dans notre vie et notre mission d’Église

« Notre vie », cela vise notre relation aux autres, notre relation à Dieu ; les mots « communion » et « conversation » viennent à l’esprit. On aperçoit à l’horizon le double commandement d’amour (Dt 6,4 et Lv 19,18) qui n’est peut-être que le dédoublement d’un unique commandement. Notre vie ne peut se couper ni des autres, ni de Dieu.
« Notre mission » : ne s’agit-il pas de proclamer la Parole de Dieu en ce monde ? Il y va du bonheur de ceux et celles qui nous entourent, individus et société. Pour reprendre une formule qui est de St Augustin et que le concile Vatican II (1965) cite au début de la constitution conciliaire Dei Verbum, la proclamation de la Parole ou du salut de Dieu a pour objectif que le monde  croit, qu’en croyant, il espère, qu’en espérant, il aime…
« La Parole de Dieu » : pas seulement la Bible. La Parole de Dieu, ce sont des Écritures portées par la Tradition des apôtres et qui ont pour point focal l’événement Jésus Christ, lequel a si bien « raconté » Dieu ! La Parole de Dieu (les Écritures) dit la Parole de Dieu (Jésus Christ) qui parle de Dieu. Elle exhorte, décrit, raconte, argumente en faisant feu de multiples paroles humaines.

1 – L’expérience liturgique pour comprendre la Parole de Dieu.

Dans la liturgie catholique, celui qui vient de proclamer l’Évangile ferme souvent le Livre (ou le lève) et lance une invitation à l’assemblée : « Acclamons la Parole de Dieu ! » Et l’assemblée répond : « Louange à toi, Seigneur Jésus ! »
Des liens sont faits entre cinq « acteurs » : 1) un livre, 2) la Parole de Dieu, 3) la personne de Jésus Christ, 4) une assemblée, 5) un lecteur qui a reçu une mission pour cela, diacre ou prêtre.
C’est dans l’Église – dont la communauté rassemblée est signe et réalisation concrète pour un lieu –  qu’est proclamé par un ministre comme Parole de Dieu le livre des Écritures (plus particulièrement les Écritures évangéliques consignées parfois dans un livre particulier, l’Évangéliaire).
Or, ce qui est proclamé, c’est un texte non pas adapté, simplifié, mais « traduit ». Un texte ancien, porteur d’une autre culture, témoin d’un temps largement dépassé (toute traduction maintient cette distance, cet écart, dans la langue d’arrivée). Ce texte, énoncé dans sa « littéralité », (re-)devient vivant par la voix du ministre-lecteur. Mieux, ce texte ancien proclamé au présent demande à être commenté également au présent : rôle de l’homélie qui fait le lien entre la foi et la vie.
Tout cela est révélateur de ce qu’est la Parole de Dieu : un texte tiré d’un Livre (ou ensemble de livres) délimité par la tradition qui devient vivant dans l’acte même de sa proclamation, laquelle est tout à la fois traduction, oralité – avec sa part d’éphémère – et actualisation pour un groupe particulier dans un temps et un moment de l’histoire du monde.
J’ajoute que la Parole de Dieu, à l’intérieur d’un livre clos – je ne peux ni ajouter, ni retrancher –  prend des formes diverses : celles du récit, de la loi, de l’exhortation, de l’oracle etc… Un conte comme Jonas est parole de Dieu, une légende comme celle d’Abraham est parole de Dieu, idem pour un poème comme le Cantique des cantiques, une louange ou une supplication comme celles des psaumes, un récit historique comme celui de Samuel, une épopée comme celle de l’Exode, une lettre authentifiée ou non comme étant de saint Paul. Dieu fait feu de tout bois pour nous parler, pour converser avec nous…
La liturgie dominicale est remarquable par l’appel qu’elle fait à la diversité des livres et des styles : 1) texte A.T. (récit, règle de loi, oracle, propos de sagesse etc.), 2) Psaume, 3) Lettre de Paul, 4) passage évangélique (en général de type narratif).
La Bible est Parole de Dieu en tant qu’elle est proclamée (et elle ne peut l’être que par morceaux, dimanche après dimanche) : traduite, adressée oralement, commentée. Dieu nous parle dans notre présent.  Et alors notre présent – notre vie concrète – prend sens.
La Bible est Parole de Dieu sur l’homme… et sur Dieu. Elle pose la question de Dieu en toute circonstance, relayant par des mots, des phrases, des textes, les grandes réalités humaines. Le monde pose la question de Dieu – et voilà les récits de création. Le salut pose la question de Dieu – et voilà l’exode et le retour d’exil. Souffrir pose la question de Dieu – et c’est Job. Le péché pose la question de Dieu – cf. David en 1 S 11–12. Douter, c’est douter de Dieu, comme dans certains psaumes. Si Dieu intervient ainsi en toutes circonstances, les circonstances qui ont produit les textes des Écritures deviennent en quelque sorte exemplaires, non dans leur réalité factuelle (hors d’atteinte désormais) mais comme creuset de sens (l’humain est humain quels que soient les temps et les pays). Dieu est radicalement engagé dans l’histoire de l’humanité. Le théologien protestant Karl Barth aimait parler de la « philanthropie » de Dieu, de son amour pour les humains, amour qu’il a montré au haut point en son fils Jésus. C’est pourquoi les récits qui parlent de Jésus, les évangiles dans leur diversité quadriforme (Matthieu, Marc, Luc et Jean) sont plus importants que les discours de foi de Paul – même si ceux-ci sont plus anciens (dans la liturgie, cela justifie le statut particulier de l’Évangéliaire).

2 – L’action de la Parole de Dieu dans notre vie.

Ouvrons la Bible. Le chapitre 1 de la Genèse –  ou « récit des sept jours » – tout comme les chap. 2 et 3 – ou « récit du jardin » – mettent en scène la Parole créatrice de Dieu.
Séparer et organiser. Lors de la création du monde, dans un premier temps (Gn 1,2 à 19) Dieu « dit », « sépare » et « appelle ». Sa Parole « sépare » ce qui est mélangé, confus, chaotique. Elle met de l’ordre pour que la vie puisse naître. Dieu « appelle » pour faire venir à l’existence tout ce qui va être utile aux êtres vivants. Dès ses premières lignes, la Bible affirme donc que la Parole de Dieu désire le bonheur de l’être humain.
Deux chapitres plus loin, quand Adam et Ève se cachent de honte, Dieu les cherche. Par sa parole, il les interroge pour qu’ils sortent de la honte, pour qu’ils assument leurs responsabilités et pour que le monde retrouve un peu d’ordre (Gn 3, 9-13 ; là, les paroles humaines suscitées par la Parole, parce que paroles, maîtrisent le chaos de la faute et ils le font en racontant : le récit est, par nature, sélection, organisation, enchaînement).
Dire le bien. Dans le second temps de la création du monde (Gn 1,20 à 2,4), Dieu « dit » et « bénit ». Bénir, c’est dire le bien, souhaiter le bonheur. La première parole de Dieu pour l’être humain est une bénédiction qui comprend fécondité – proliférez ! – et domination pacifique (v. 28-29).
Alors que « appeler » faisait venir à l’existence, « bénir » ouvre un avenir et envoie sur les routes du monde. Deux chapitres plus loin, en posant les sanctions après le récit de la faute, Dieu permet à l’être humain de commencer une nouvelle vie, de donner un sens positif à ce qui est désir de domination et douleur.
L’exemple d’une révision de vie, d’un entretien spirituel, d’une récollection. En révision de vie (dans des mouvements comme la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, l’Action Catholique Ouvrière, l’Action Catholique des milieux Indépendants, Chrétiens en Monde Rural, l’Action Catholique Générale des Femmes etc.) ou bien en entretien spirituel avec une personne (clerc ou laïque) qui a mission d’accompagnement, l’échange est une certaine mise en ordre. Quand on est dans le feu de l’action, beaucoup de choses se mélangent. En révision de vie, en entretien spirituel, ou encore lors d’une récollection et d’une retraite, on s’arrête, on distingue tel fait, tel événement. Grâce au récit que nous faisons de ce fait, nous discernons des lignes de sens, nous séparons à notre manière ce qui est lumière de ce qui est ténèbres.
En laissant la Parole de Dieu venir à nous (par la qualité de la préparation, par la voix des autres, les amis autour de la table, l’accompagnateur, le prédicateur et, last but not least, par la voix du texte biblique que nous prenons le temps d’écouter), il y a des possibilités de mise en ordre et de bonheur qui sont renouvelées.
Dans l’échange, nous portons sur notre monde et notre vie un regard tantôt bienveillant, à l’exemple du créateur – « Dieu vit que cela était bon » (Gn 1,4 etc.) – tantôt critique et inquiet –  « Qu’as-tu fait là ? » (Gn 3,13). Pour mieux y vivre et envisager l’avenir. La Bible a au moins le mérite de nous mettre devant des questions que nous n’osons pas toujours regarder en face tellement elles sont radicales sur la vie, l’amour, la mort, la violence, la faute et le salut… Et, dans l’échange avec elle, à partir d’elle, elle invite à raconter la vie.
Jésus raconte. Selon Marc 6 et Luc 9, Jésus envoie ses apôtres en mission – la mission a une double face : proclamer le Règne de Dieu et guérir toute maladie. Mais auparavant, il a lui-même posé des actes de guérison et, surtout, il a raconté le mystère du Règne de Dieu. De quelle manière ? Par des paraboles (lire Marc 4 ; Luc 8 est plus bref et se contente de la première parabole, celle de la semence). Les paraboles sont-elles des histoires extraordinaires ? Absolument pas. Ce sont des petites tranches de vie où il y a de l’inattendu, de l’inouï, mais il faut un peu d’attention pour le percevoir et Jésus est obligé d’expliquer. Quand Jésus raconte la vie quotidienne à travers les paraboles, son récit est énigmatique, comme pour dire que la vie elle-même est énigme, puisque, au cœur de la vie, il y a va du Règne de Dieu, trésor caché. En même temps, il faut passer par sa parole – énigme et explications – pour découvrir ce trésor caché. La parole de Jésus révèle ce que nous avons de la peine à voir.
Au retour de mission, les apôtres racontent ce qu’ils ont fait. Sur leur récit (qui n’est pas rapporté) Jésus se risque à une explication, une interprétation de foi. Il met du sens, révélant, à nouveaux frais, le mystère du Règne, là où d’autres ne verraient qu’anecdotes. Le sens est ici la défaite du mal et la bienveillance de Dieu pour les petits (c’est très clair en Luc 10,18-22). Notre mission prend sens quand nous la racontons à l’invitation de Jésus, Parole de Dieu, et quand celui-ci l’éclaire de son interprétation.

3 – Autres manières de recevoir la Parole de Dieu en Église.

La révision de vie, l’entretien spirituel, la récollection sont trois types de rapport entre notre vie et la Parole de Dieu. Sans être exhaustif, il y en a d’autres.
La liturgie. Pour écouter la Parole de Dieu, la liturgie eucharistique reste le lieu le plus commun quand on est chrétien. On distingue deux calendriers : le premier concerne les dimanches du temps dit « ordinaire » et le second les fêtes (Pâques, Noël etc.). Dans le temps ordinaire, le feuilleton évangélique (Matthieu pour 2007-2008) privilégie… le temps ordinaire de la prédication du Royaume de Dieu par Jésus ! Les jours de fête proposent, eux, les moments extrêmes de la vie du Christ (Passion, Mort, Résurrection, Naissance). À chaque fois, la brève homélie du diacre ou du prêtre fait le lien entre l’Écriture et la vie, pointant vers le salut toujours actuel de Dieu célébré dans l’eucharistie.
Les temps forts de la vie. Dans les naissances, mariages, funérailles célébrés à l’église, il y a une forte charge affective. Les textes d’Écriture choisis indiquent un sens à donner à l’événement : douleur, joie, espérance, beauté, risque de l’engagement etc. Quelques textes reviennent souvent : « l’hymne à l’amour » de 1 Co 13 ou les Béatitudes. Les gens y devinent, sans trop l’expliquer, du mystère et de la profondeur. Le diacre ou le prêtre sent que le choix des gens est plus important que son commentaire.
La catéchèse. La catéchèse est de l’ordre du savoir pour croire et vivre. La Bible y apparaît comme un document qui donne des informations historiques et théologiques. Elle apparaît aussi comme un monument à visiter, un monument bâti par ceux qui nous ont précédés, où se trouvent des points de repères pour vivre en chrétien. On l’utilise pour un jeu, une fête, une prière. Ainsi l’Écriture sert aussi bien la réflexion que le plaisir et l’intériorité. Dans la catéchèse, enfants et jeunes entrent en contact avec de grandes figures de foi. Leur mémoire biblique est par ailleurs développée par les productions des artistes, éditeurs religieux et conteurs bibliques. Ajoutons que, grâce aux programmes scolaires, la Bible rejoint les rayons du patrimoine culturel (pour sa puissance littéraire et imaginative) et documentaire (sur l’histoire d’Israël ou des premiers chrétiens). Entre catéchèse, programmes scolaires et œuvres d’art, la Bible se propose de manière parfois contradictoire.
La prière personnelle ou en groupe. Depuis quelques années se développe la prière en groupe à partir de l’évangile. Une revue comme Prions en Église diffuse une petite méthode, la lecture sainte, adaptation de la traditionnelle Lectio divina. Il s’agit d’une démarche en 3 ou 4 étapes : observer le texte, le méditer (et le contempler), enfin le prier. En groupe, on bénéficie des observations et de la prière des autres, avant de s’adresser soi-même à Dieu. Progressivement, on se décentre.
Le groupe biblique. L’objectif premier d’un groupe biblique est l’étude attentive des textes. À la base, il y a le désir de mieux les comprendre pour alimenter la foi. L’aspect « savoir » est donc assez développé, avec une part de gratuité puisque ce qu’on apprend n’est pas immédiatement monnayable pour la liturgie, la pastorale, la catéchèse ou la prière. Les groupes sont divers et leur longévité variable ! Il y a diversité de méthodes (historiques ou littéraires) et diversité de pratiques : certains groupes aiment s’arrêter longuement sur un passage, d’autres privilégient un fil thématique, d’autres enfin s’engagent à parcourir  un livre d’un bout à l’autre.
La lecture en groupe a au moins trois effets bénéfiques. Un : au bout de la démarche, des personnes redécouvrent une certaine fonction « inspirante » du texte sacré puisqu’après avoir lu lentement ensemble, elles parlent autrement de leur propre existence. Deux : l’identification à telle figure du récit, surtout s’il s’agit d’un évangile, peut amener à une décision concernant Jésus et son Père. Trois : cette lecture sans hâte peut s’avérer profondément ecclésiale à cause du jeu de la lecture à plusieurs guidée par un animateur (lecture peu pratiquée pour les classiques comme Hugo ou Balzac) et à cause de l’expérience de la rencontre médiatisée à la fois par le récit et par ceux qui l’ont traduit, transmis.

4 – Les âges de la lecture biblique.

Un bibliste belge qui est un moine, Benoît Standaert, use de l’image des quatre « âges » de la lecture biblique (Les trois colonnes du monde, Desclée, 1991, p.49-52). À chaque grand moment de notre vie, suivant notre maturité, suivant ce que les événements ont fait de nous, correspondrait un rapport aux Écritures.
Âge de l’enfance ou de la Bible fantastique : c’est l’âge de l’image, de la poésie, des pèlerinages, des films, des livres pour enfants, des contes, de tout ce qui développe l’imaginaire en somme.
Âge de l’adolescence ou de la Bible scientifique : c’est l’âge de l’esprit critique : « ça ne s’est sûrement pas passé comme cela », « ça n’est pas possible » etc. On cherche des réponses aux questions historiques, littéraires ; on évalue l’historicité de tel personnage, de tel événement. Pourquoi raconter l’action de Dieu avec des mots qui semblent incroyables comme les murailles d’eau dans le récit d’Exode 14 ou la colombe et le ciel ouvert au baptême de Jésus ?
Âge adulte ou de la Bible, parole de vie : c’est l’époque de l’appropriation libre. Au fur et à mesure de ma vie, je me constitue une anthologie de textes que j’aime, et je l’élargis sans cesse. Ces textes me nourrissent et m’aident dans ma foi.
Âge de la vieillesse ou du Livre au-delà du livre : on n’ouvre même plus le livre ; on a intégré l’essentiel. L’anthologie est formée et on s’y réfère presque automatiquement. C’est l’âge de la sagesse dépassée, du livre après le livre, de ce qui reste après notre vécu.
Tous ces éléments, et non pas un ou deux à l’exclusion des autres, sont importants dans une vie chrétienne et nous passons par toutes ces étapes. Avec le désir d’arriver à la dernière ? En tout cas, l’adolescence, avec sa curiosité, son désir de savoir, sa revendication de rigueur, peut demeurer – et avec raison – jusqu’à un âge avancé ! Espérons qu’en même temps l’adulte en nous demande ce qui lui faut pour réfléchir, agir, éclairer son chemin en ce monde. Et proclamer au dehors, par ses actes, ce qui le fait vivre au dedans…

5 – Maladresses de la lecture biblique.

Si nous privilégions l’âge adulte avec sa recherche de sens, nous nous heurtons, dans l’acte même de la lecture, à quelques risques. Ces risques, inévitables, je les appelle plutôt des maladresses. Et j’en donne trois. 
Le concordisme. L’action de Dieu, de Jésus, des apôtres ?  « C’est comme moi (ou comme nous)… » Nous ramenons l’Écriture à nous, en supprimant son étrangeté, ses résistances, ses aspérités. Le Règne de Dieu et notre vie concordent parfaitement. Nous nous « retrouvons » si bien dans le texte biblique que celui-ci perd sa fonction critique. Question : pourquoi continuer à interroger l’Écriture si c’est pour s’entendre redire ce que l’on sait d’avance ? Cette attitude maladroite a une variante : le  psychologisme, qui consiste à se projeter dans le texte, avec une demande implicite du style « Miroir, beau miroir, dis-moi que je suis la plus belle… » Intérêt de cette attitude : nous maintenons un lien entre notre vie présente et l’antique Écriture. Ambiguïté : nous utilisons à notre profit (et pour appuyer de bonnes idées souvent) la parole du Dieu Autre.
L’exotisme. Là, nous soulignons la distance qui sépare nos manières de penser et d’agir de celles racontées dans la Bible. Les mœurs et coutumes de la Bible sont aussi exotiques que celles des îles du Pacifique, de la forêt amazonienne ou du désert du Kalahari. C’est sympa, mais c’est loin, tout ça, et bien compliqué ! Intérêt : nous respectons l’étrangeté de l’Écriture. Ambiguïté : nous nous dispensons d’un effort pour la comprendre, pour l’entendre dans son actualité.
Le spiritualisme. À la base d’une telle attitude, il y a la conviction que la Bible est Parole du Tout-Autre, mais, à côté, comme notre vie paraît terne ! Alors, nous avons hâte plonger à un niveau que nous appelons « spirituel » où nous trouvons la Vie, l’Amour, la Justice, le Péché, la Grâce, le Salut (avec des majuscules). Finalement est-ce que ça vaut le coup de scruter humblement notre vie, de la raconter, de la soumettre à la lumière de la Parole de Dieu ? Ne vaut-il pas mieux aller directement à ce que nous pensons être l’essentiel ? Intérêt : nous faisons droit au mystère du Règne de Dieu. Ambiguïté : l’ordinaire des jours – la création ! – est dévalorisé et l’écart se creuse entre la vie et la foi.
Nous n’échappons sans doute jamais totalement à l’une ou l’autre de ces maladresses. Suffit de le savoir ! Et, de le savoir, permet de mieux lire.

6 – Des repères pour mieux lire.

Comme un correctif à ces maladresses, voici quelques repères. Je ne sais s’ils correspondent à toutes les situations, mais les avoir en tête pourrait nous permettre de mieux entendre la Parole de Dieu dans les Écritures et de la proclamer plus hardiment par notre vie en Église.
Pas d’évidence. Le « concordisme » ayant montré ses limites, il devient évident… que les rapports entre la vie et la foi ne sont pas évidents ! La lecture de l’Écriture suppose une attitude de confiance. D’où cette conviction : accepter de ne pas tout savoir, y compris sur ce qui nous fait vivre.
Dépaysement nécessaire. L’Écriture ne sera jamais une parole à côté des autres paroles. Considérons-là comme une parole « handicapée », parole de quelqu’un d’étranger qui n’a pas tout à fait le même langage que nous. La Bible est vieille de 2000 à 2500 ans ; normal que ses manières de parler soient décalées par rapport  au nôtre ! Mais retrouver nos racines, ce n’est pas retourner à l’âge de pierre. L’Écriture, justement comme parole handicapée qui use de vieux mots, nous dépayse et nous rend plus humbles. Et si ça nous aidait à regarder  la vie d’un œil neuf ?
Dieu est mystérieux. Dieu est un personnage énigmatique dont les 73 livres de la Bible n’ont pas fait le tour. Il est présent et absent dans notre vie comme dans les Écritures. Nous croyons le saisir et il est ailleurs, nous laissant les traces de son passage, une parole qui met de l’ordre, une interrogation qui fait mal ou, au contraire, une bénédiction. Quand nous prenons le temps de l’écouter à travers la Bible – qui a fixé deux ou trois éléments objectifs le concernant – nous pouvons avoir des surprises. Surprise de voir qu’il y a des choses dans la vie auxquelles Il tient et pas nous – ou le contraire ! Réjouissons-nous au moins du prix qu’il a toujours donné à la vie quotidienne.
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